«J’ai senti qu’il allait m’achever»
Brûlée vive, Emilie affronte à nouveau son ex-compagnon. Johann B. comparaît en appel ce vendredi devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine pour tentative d’assassinat. Il est accusé d’avoir simulé un accident dans le Val-d’Oise et d’avoir aspergé d’alcool à brûler sa compagne, qui lui avait annoncé qu’elle le quittait.
Pontoise (Val-d’Oise), juin 2019. Emilie, à l’issue du délibéré de la cour d’assises du Val-d'Oise qui condamnait son ex-compagnon à vingt ans de réclusion criminelle. LP/Frédéric Naizot
Par Frédéric Naizot
L’immense soulagement d'avoir été entendue et crue à l'issue du procès en première instance a cédé la place à une nouvelle inquiétude. Emilie va affronter, à partir de ce vendredi matin à Nanterre (Hauts-de-Seine), et pour deux semaines, le procès en appel de son ex-compagnon, accusé d'avoir tenté de l'assassiner en la brûlant vive il y a treize ans, lors d'un accident de voiture simulé, sur une petite route de campagne, le 9 novembre 2007. Emilie avait 20 ans lorsqu'elle avait été transformée en torche humaine, survivant par miracle.
Johann B., 35 ans, qui a farouchement contesté les accusations au cours du procès comme depuis le premier jour, avait été condamné à vingt ans de réclusion criminelleau mois de juin 2019. La justice avait tranché en estimant qu'il était bien l'auteur d'une tentative d'assassinat, qu'il avait ourdi et mis à exécution un plan machiavélique, mis en œuvre « un châtiment », selon l'accusation. L'accusé prétend que les brûlures sont le fait d'un accident…
Les faits se produisent sur la départementale D 9, déserte à 23h45, à la sortie de Châtenay-en-France, dans le Val-d'Oise. Le jeune homme perd le contrôle de sa Seat qui percute un arbre. Selon lui, lors du choc, une bouteille d'alcool à brûler posée sur la banquette arrière s'est envolée et s'est écrasée contre le tableau de bord, provoquant un jet directionnel sur la passagère suivi de l'embrasement.
Une thèse mise à mal lors du premier procès lors de l'examen des blessures d'Emilie, brûlée au cou et à une épaule, indiquant que le liquide aurait inexplicablement remonté le long du corps, sans la brûler sur le torse notamment.
La brûlure au quatrième degré derrière un genou d'Emilie, une partie carbonisée, est tout aussi incompatible avec la version de l'accusé, comme l'absence de trace d'hydrocarbure sur le tapis de sol côté passager.«Il y aura toujours une partie de l'histoire qui va m'échapper»
Johann B. a aussi assuré avoir porté secours à sa compagne, sortie en feu de la voiture. Elle se souvient au contraire d'un blouson plaqué sur son visage pour l'étouffer. « J'ai senti qu'il allait m'achever », a-t-elle confié lors du procès. Une scène à laquelle l'arrivée impromptue et miraculeuse d'un couple d'automobilistes a mis fin.« Je sais que je n'aurai jamais d'aveux. Il y aura toujours une partie de l'histoire qui va m'échapper », avait confié Émilie à l'issue d'un verdict qui a provoqué l'abattement de toute une famille, celle de Johann B.Il comparaît libre«
Johann B. sera présent à l'audience. Il n'a pas changé d'attitude. Il conteste absolument avoir brûlé cette jeune femme », confie son avocat M e Henri Leclerc à la veille du procès, qui s'interroge sur le bon déroulement de l'audience en cette période de confinement. « Il faudrait que l'on démontre sa culpabilité », insiste-t-il. En première instance, il avait estimé que la cour ne disposait d'aucune preuve, évoquant une erreur judiciaire.«
Le procès approche. C'est un peu compliqué à vivre, c'est stressant », reconnaît Emilie à quelques jours de rejoindre le tribunal judiciaire de Nanterre. « J'espère que cela se passera comme la dernière fois. Mais il reste toujours l'appréhension d'un autre verdict. » A cela s'ajoute l'inquiétude de croiser à nouveau l'accusé dans l'enceinte du tribunal. « C'est toujours une inquiétude de me retrouver face à lui. Il n'est pas incarcéré. La cour d'appel a estimé qu'il devait comparaître en appel dans les mêmes conditions qu'en première instance, donc libre. Je dois reconnaître que cette décision est mal passée… »Cinq semaines de coma, 49 interventions chirurgicales, «dix années de souffrance»
Ces derniers mois, Emilie a fait une pause dans son parcours chirurgical.
Depuis les faits, elle a subi cinq semaines de coma et 49 interventions chirurgicales, dont de nombreuses greffes et prélèvements de peau sur des parties saines de son corps. Brûlée au troisième degré sur 45 % du corps, elle a passé 103 jours au service des grands brûlés de l'hôpital Percy à Clamart (Hauts-de-Seine), puis 76 autres après un choc septique.« Avec les brûlures, le malheur commence, avait souligné un médecin expert. On peut saluer son courage. Ce sont dix années de souffrances. » Des souffrances évaluées par un autre expert à 7 sur 7. Le maximum.
Aujourd’hui, Emilie reprend le cours de sa vie, se construit un avenir. Elle vient de signer son CDI d'archiviste pour plusieurs ministères, dont celui de l'Ecologie et de la Transition énergétique, et travaille à la mise en place de l'archivage électronique.