2 ème jour du procès du meurtrier d’Aïssatou SOW.

Gianni D. a été entendu ce vendredi devant la cour d’assises du Val-de-Marne, quatre ans jour pour jour après le décès de la jeune femme qui a succombé à ses coups.
L’ex-petit ami d’Aïssatou encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour « assassinat ».
Par Fanny Delporte
« Tu n'as pas tué qu'Aïssatou. » L'index pointé vers le box et le regard droit, le beau-père d'Aïssatou s'adresse directement à Gianni D. Tête baissée, le jeune homme de 21 ans secoue la tête de gauche à droite mais ne le regarde pas. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour « assassinat » à l'encontre de son ex-petite amie, le 18 septembre 2016 à Valenton (Val-de-Marne). Le verdict est attendu lundi.
Les faits se sont déroulés au troisième étage de son immeuble où Gianni D. l'attendait alors qu'elle venait de passer une soirée avec des amies. « Je l'ai frappée parce que je suis jaloux », explique-t-il spontanément le 18 septembre alors que les policiers viennent l'interpeller.
Il avait « 14 ou 15 ans » lorsqu'il est venu chez la mère d'Aïssatou pour la première fois. « Il était jeune, il était calme », raconte à la barre cette femme qui porte le visage de sa fille jusque sur son masque. Elle explique avoir appris au premier jour du procès ce qu'Aïssatou ne lui racontait pas : la violence et les menaces de mort reçues par son petit ami, puis ex-petit ami.
« Elle m'avait dit qu'ils étaient séparés », se souvient-elle. Mais Gianni D. n'était de toute évidence pas sorti de sa vie, à en croire les nombreux témoignages d'amies d'Aïssatou.
«On s'en veut plus tard»
Une bande de copines qui allait très souvent chez la maman d'Aïssatou, quand Gianni D. n'y a plus mis les pieds les années qui ont suivi. « Notre maison était ouverte, raconte la maman. Quand ses amies venaient, je faisais cinq kilos de riz par jour. » Sous le poids des souvenirs joyeux égrenés par leur mère, le frère et la sœur d'Aïssatou assis sur le banc des parties civiles s'affaissent sur eux-mêmes.
« On s'en veut plus tard », explique l'oncle d'Aïssatou qui raconte avoir découvert « par hasard » les violences subies par sa nièce qu'il qualifie de « paisible ».
D'après lui, la jeune femme n'en a jamais parlé par « honte » à sa famille, dont elle était très proche : « Elle n'aurait pas voulu qu'on soit malheureux. »
« J'attends la perpétuité », répond la mère d'Aïssatou au président qui lui demande ce qu'elle espère de ce procès.
« J'ai envie d'être condamné pour ce que j'ai fait », assume Gianni D., interrogé ce vendredi après-midi pour la première fois. D'allure athlétique, les mains jointes dans le dos, le jeune homme parle d'Aïssatou comme de la femme qu'il aimait « le plus au monde ».
« Je reconnais les violences, j'ai toujours reconnu, explique-t-il spontanément. Je ne suis pas un assassin, j'ai fait une grosse erreur. A 19 ans, je ne pensais pas que des coups pouvaient retirer la vie. » « Je m'interroge sur la portée de ces regrets, lui dit le président. Dans ce cas, pourquoi recommencer (NDLR : à frapper Aïssatou) ? »
Une «possession trop grave»
« J'avais pris une sale habitude, c'est de lever la main sur elle. » Il avait, dit-il, « une possession trop grave ». Incompatible avec le fait que sa petite amie « s'habille court », « sorte avec des garçons », « sorte dans des endroits pas faits pour elle », c'est-à-dire en boîte de nuit. « Vous savez combien il y a de femmes le soir à Paris qui sortent en boîte de nuit ? », tente le président.
« Je sais, mais la colère a tout le temps pris le dessus, répète Gianni D. Je voulais lui imposer des règles parce que c'était ma vision des choses avec une femme. Je voulais qu'elle ne regarde que moi. » Un jour, il accepte de sortir en boîte de nuit avec Aïssatou et deux de ses copines. « Au début, la soirée se passait bien, raconte-t-il. Mais j'ai fait le jaloux et j'ai été sorti par un videur. » C'était une semaine avant les faits.
Leur relation de plusieurs années qui commence par un « coup de cœur » bascule d'après lui le jour où il sort de prison, en 2015. « Je suis devenu parano », assure-t-il. « Il me semble pourtant que les deux mains courantes datent de 2014… », rappelle le magistrat.
«A part la violence, on était très très bien ensemble»
Au cours de son audition, la cour diffuse aux jurés une vidéo qu'il lui avait transmise dans laquelle on l'entend la menacer de mort parce qu'elle serait « en boîte avec des mecs ». Ces images, sur lesquelles on le voit une arme à la main, ne sont pas montrées au public qui compte de très nombreux proches et amis de la victime. Il a dans cette vidéo la même voix calme et posée que dans le box.
Alors que le président évoque le jour où l'oncle d'Aïssatou est venu à sa rencontre pour s'expliquer sur les violences subies par sa nièce et le fait qu'un de ses proches soit descendu du logement avec un chien, « un pitbull ou un bouledogue » dans les souvenirs de Noël Agossa, Gianni D. corrige : « C'est moi qui suis descendu avec un chien, c'est vrai, mais c'était un chien extrêmement gentil. »
Moment où il glisse qu'il « respecte énormément la famille » d'Aïssatou, qui a porté plainte contre lui pour des menaces transmises depuis la prison de Fresnes où il a passé quatre ans en détention provisoire.
« Et pourquoi pas Aïssatou ? », demande le président. « Aïssatou aussi je la respectais, répond Gianni D. du tac au tac. Je ne lui mettais pas la pression pour qu'elle reste avec moi, mais c'est vrai j'employais tous les moyens. En vrai, à part la violence, on était très très bien ensemble. »
