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«Il m’a saisie par les cheveux et a versé l’acide en riant»

MARIÉE DE FORCE À 12 ANS: «Il m’a saisie par les cheveux et a versé l’acide en riant»

Al-Anoud Hussein Chariane, victime d’un ex-mari violent, a accepté de raconter son épreuve. En témoignant, la jeune femme est devenue le visage de nombreuses femmes yéménites, subissant abus et maltraitances.

Mariée à 12 ans, répudiée à 16 et défigurée à l’acide par vengeance, Al-Anoud Hussein Chariane illustre le sort de nombreuses filles au Yémen qui subissent maltraitances et abus dans une société à la misogynie exacerbée par la guerre et la pauvreté. Le voile qu’elle porte encadre un visage défiguré par l’acide que son ex-mari violent n’a pas hésité à lui verser dessus. Aujourd’hui âgée de 19 ans, la jeune femme de Sanaa, la capitale, a accepté de raconter son épreuve à l’AFP.


Un témoignage rare.

Enchaînée et battue

«Il m’a saisie par les cheveux et a versé l’acide en riant», se rappelle Al-Anoud. Elle a presque perdu l’œil gauche, alors que son visage et son corps ont été atteints de profondes brûlures. «J’ai vécu l’enfer», dit-elle pour décrire ses années de mariage qu’elle a passées enchaînée et souvent battue. À la mort de son père, sa mère s’est remariée et s’est empressée de lui trouver un mari. «Elle a voulu me protéger», ajoute la jeune femme en cherchant à la défendre. Mais pendant ses quatre ans de mariage, Al-Anoud a vécu comme une «esclave», selon ses mots.

Elle a fini par être répudiée et s’est réfugiée chez sa sœur. Néanmoins, son ex-mari exige quelques années plus tard qu’elle revienne au foyer. Devant son refus, ce dernier l’agresse en octobre 2020 dans la maison de sa sœur en lui jetant de l’acide au visage.

Les effets psychologiques sont irréparables. Dr Moutawakal Chahari

Le mariage des fillettes est une pratique courante au Yémen et «la guerre a accentué les violences qu’elles subissent», explique Tayseer Walid, de l’Union des femmes du Yémen, une ONG locale.

Après son hospitalisation dans une clinique où elle était en formation pour devenir infirmière, Al-Anoud attend aujourd’hui trois opérations de chirurgie plastique pour réparer ce qui peut encore l’être. Son médecin traitant, le docteur Moutawakal Chahari, reconnaît la complexité de cette procédure et son coût élevé alors que les factures des premiers soins n’ont pas encore été réglées. Mais, insiste-t-il, «les effets psychologiques sont irréparables».

Quatre millions d’enfants mariés

Quand il s’agit de la condition des femmes au Yémen, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon une enquête menée par l’ONU en 2013, 32% des Yéménites âgées de 24 à 32 ans ont déclaré avoir été mariées avant 18 ans, dont 9% avant 15 ans. L’Unicef a estimé que le pays de près de 30 millions d’habitants comptait en 2020 quelque 4 millions d’enfants mariés, dont 1,4 million a moins de 15 ans.

Les cas de violence domestique sont en augmentation.

Rapport de l’ONU, publié en 2020

Dans un rapport publié en 2020, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), chargé notamment des questions sexuelles et reproductives, a estimé à 2,6 millions le nombre de femmes et de filles exposées à la violence sexiste au Yémen. Et, avec le Covid-19, «les cas de violence domestique sont en augmentation».


Dans un rapport publié en 2020, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), chargé notamment des questions sexuelles et reproductives, a estimé à 2,6 millions le nombre de femmes et de filles exposées à la violence sexiste au Yémen. Depuis 2015, date de l’intervention militaire de l’Arabie saoudite au côté du pouvoir au Yémen, la violence à l’égard des femmes et des filles a augmenté de 63%. Les violences faites aux femmes ont été exacerbées par la crise humanitaire qui s’est aggravée au Yémen avec la guerre opposant depuis 2014 les rebelles houthisau pouvoir. Selon plusieurs ONG, ce conflit est déjà responsable de dizaines de milliers de morts. L’ONU a dit récemment craindre que quelque «16 millions de personnes souffriront de la faim» en 2021 dans ce pays pauvre de la péninsule Arabique. Une app pour fournir des conseils aux survivants

Pour lutter contre le phénomène des violences liées au sexe au Yémen, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé, avec le soutien du gouvernement japonais, une application mobile pour fournir des conseils aux survivants de ces violences.

La plateforme décrit les services de protection et d’aide aux survivants. «La guerre a exacerbé les problèmes auxquels les femmes sont confrontées, notamment la violence accrue», a constaté le PNUD dans un communiqué.

Plainte déposée: en attente

Depuis 2015, date de l’intervention militaire de l’Arabie saoudite au côté du pouvoir au Yémen, «la violence à l’égard des femmes et des filles a augmenté de 63%», selon la même source.

Al-Anoud dit, elle, avoir déposé une plainte à Sanaa contre son tortionnaire, en fuite, et attendre une action de la justice qui ne vient pas. La jeune femme a appelé aussi à l’aide les services compétents, les ONG locales et internationales pour pouvoir «réparer» sa vie. «Je veux que ce criminel soit jugé, je veux reprendre mes études et reconstruire ma vie!» (AFP)

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